Le vent souffle doucement aujourd'hui. Assez pour que des personnes sentent le froid passer dans leur nuque et les faire frissonner doucement, les forçant à plaquer leurs grosses écharpes contre leur nez. Quelques nuages gris s'amoncellent dans le ciel sans pour autant laisser penser qu'un orage ou de la grêle puisse s'abattre sur ce royaume. Certains vous diront qu'il fait juste "gris".

Il y a quand même quelques personnes qui sont assez courageuses pour sortir. Quelques travailleurs tentent d'exécuter leur tâche sans attraper froid, quelques rêveurs parcourent les rues en regardant le ciel, peut-être pensent-ils croiser quelqu'un? Il y a aussi une ou deux personnes assises avec un calepin dans les mains, le nez dans leurs manteau, à dessiner d'une main tremblante la nature figée qui les entourent. Il n'y a que très peu de bruit, quelques conversations qui flottent dans l'air, les pas raclant les chemins, sinon presque rien.

C'est dans ce genre de décor que je me suis rendue à l'extérieur. J'ai, pour l'instant, laissé de côté mon travail, car Maria m'a poussée à penser que prendre une petite pause en plein air ne me ferait pas trop de mal. Le zoo est alors un des meilleurs endroits pour me permettre de décompresser, durant ces temps difficiles pour les secrétaires du gouvernement.

Pourquoi le zoo? Car c'est le seul endroit où je peux voir des paons. Ce ne sont pas mes oiseaux préférés, loin de là, mais les voir ainsi dans une cage réussit à m'apaiser un peu. Debout, les fixant dans l'immense habitat créé rien que pour eux, j'essaye de me vider l'esprit, de ne plus penser à grand chose. Il faut avouer qu'avec tout ce qu'il se passe actuellement j'ai du mal, surtout en repensant à lui...

Je laisse échapper un soupir, croisant mes bras sur la rambarde me séparant de l'habitat des paons, posant ma tête dedans et les fixant. Sortir pour me changer les idées, quelle bonne idée, dommage que tu n'ai pas pu m'accompagner Maria. Cela aurait eu bien plus d'effet que de rester seule ici, avec seulement ce long manteau blanc et cette écharpe beige pour me soutenir. En plus, il n'y a pas l'air d'y avoir vraiment grand monde dans ce zoo...

Si c'est pour rester seule partout où je vais, si "il" n'est même pas à mes côtés, si ça se trouve "il" était mort ici aussi, pourquoi diable suis-je "vivante" à Anadran, déjà? Quel ennui.

Visiblement, il y a de l'agitation dans l'abri des paons. Un pauvre petit écureuil vient de sortir de leur cage, totalement affolé. Je remarque alors qu'un jeune homme, certainement un employé, est tombé pile au milieu des paons. Pauvre de lui, il n'a pas l'air de savoir que ces bestioles sont très hargneuses. Je les vois déjà l'entourer, prêts à lui donner des coups de bec et à le pourchasser.

Je regarde autour de moi. Il n'y a vraiment que très peu de gens, mais je m'inquiète de ne voir aucun employé pour venir l'aider. Si il se fait blesser devant mes yeux sans que je n'ai fais quoi que ce soit, ma réputation de secrétaire allait certainement en prendre un coup. Mais que faire? Réfléchissons rapidement.

Je regarde de nouveau autour de moi, il n'y a vraiment rien pour que je puisse l'aider et impossible pour moi de franchir la barrière. Je fouille donc dans mon sac à main le plus rapidement possible. Porte-monnaie, mp3... Bingo! J'avais un bon gros sandwich dans mon sac. Comment a-t-il atterrit ici alors que je ne mange pas de sandwich? Sûrement un coup de Maria.

Je déchire un assez gros bout de sandwich, priant pour bien viser. Mince, à côté. Un autre morceau. Mince, sur la tête du jeune homme. Les paons commencent à se demander ce qu'il se passe. Bon, un autre morceau. Parfait, pile poil sur la tête d'un des paons! Celui-ci se retourne, me regardant comme si il allait me tuer. Heureusement que je ne risque rien d'où je suis. Je reprends une miette, la balançant de nouveau sur sa tête, voyant que ses amis se retournent aussi. Je fais signe au jeune homme de vite sortir de la cage, lui pointant la porte du doigt avant de continuer à balancer mes morceaux de sandwich pour énerver ces bestioles.

Prenez ça, suppôts de Satan.

Les paons sont restés devant moi à tenter de lutter contre la force magique de la cage qui les empêche de venir m'attaquer. Parfait, heureusement que ces oiseaux ont été assez idiots pour laisser cet homme sortir. Je remarque, lorsqu'ils repartent vers l'endroit où était le jeune homme, que j'ai utilisé tout mon sandwich. Bon, cela n'a pas été une grande perte pour autant.

Je remarque alors que ce jeune homme vient me voir. Le pauvre, j'aurais vraiment dû éviter de lui lancer ce morceau sur la tête. Enfin bon, au moins, je l'ai aidé à ne pas se faire lyncher par des... Piafs. Ne pouvant m'empêcher de voir cette feuille sur sa tête, j'ai un peu de mal à en détacher mon regard pendant qu'il me parle -enfin, d'un côté, il a l'air d'avoir du mal à détacher ses yeux de mes cheveux. J'arrive cependant à comprendre qu'il s'appelle Lukas, c'est déjà ça.

Je racle ma gorge, m'apprêtant à parler.
" Enchantée... Je m'appelle Maria. Je n'ai pas vraiment envie de t'importuner alors que tu fais ton premier jour de travail semblerait-il, ton patron pourrait mal le prendre. "
Idiote, il vient de dire que ce boulot n'était pas fait pour lui. Enfin bon, accepter directement une invitation de la part d'un parfait inconnu pourrait paraître bien trop frivole.
Je lui pointe cependant la feuille sur sa tête.
" Excuse-moi, il y a une feuille de salade dans tes cheveux... "
Cette feuille, cette feuille qui est même pas bien placée sur sa tête, à moitié en train de tomber, elle était vraiment... Imparfaite.

Je penche un peu ma tête, passant rapidement mon pouce sur mes lèvres, une petite manie que j'ai lorsque je pense beaucoup. Apparemment, cela ne le dérange pas tellement de sécher son travail. Il n'a pas l'air vraiment d'être quelqu'un d'assidu. Enfin bon, je ne dois pas juger quelqu'un que je ne connais qu'à peine. Il est vrai que se faire attaquer par des oiseaux lors d'un premier jour de travail, ce n'est pas vraiment génial.

Je vois qu'un peu de sauce du sandwich, qui était sur la salade, est encore sur son front. Je sors de mon petit sac à main que je garde avec moi pour sortir un mouchoir, le lui tendant. Je ne comptais pas vraiment manger quelque-chose avant ce soir, en réalité. Se sent-il mal parce-que j'ai utilisé ce sandwich?

" Ce n'était pas réellement mon déjeuner, ne t'inquiètes pas. "

Je n'ai pas vraiment été gênée par le fait qu'il mange cette salade, après tout, elle aura servi à quelque-chose. Mais, un inconnu m'offrant quelque-chose, ce n'est vraiment pas souvent que cela m'est arrivé, que ce soit dans ma vie ou à Anadran. Je le regarde, un peu gênée par sa proposition.

" Mmmmh... Je dois avouer que je n'ai strictement rien à faire. Mais ne te sens pas obligé tout de même. "

Cet homme m'intrigue un peu. Peut-être devrais-je essayer de le connaître? Peut-être pourrait-il m'apprendre certaines choses?

TROUVÉ ! 

Maria me tend un petit mouchoir sortit de son petit sac a main. J'avais l'impression que c'était une petite poupée barbie qui avait toujours tout sur elle, ce qui me fait sourire. Je lui prend et la remercie d'un signe de tête, avant de m’essuyer le front avec. C'était pas son déjeuner ? Mais c'était quoi alors ? Bon, je n'y pense plus trop au final vu qu'elle accepte, même si elle n'as pas l'air super-contente.

« Allez, détend toi un peu !! Viens, y a un café là bas, pas très loin. »

Je lui attrape la main — comme si c'est c'était naturel — et la tire dans la direction que je prend. Donc, celle de la sortie du zoo. Je sautille, en la tirant derrière moi, et à la sortie du parc, je salue d'un signe de tête le bonhomme posté à l'entrée, qui me regarde bizarre.

« Hmmm.. T'aime les sandwichs ? Ou tu veux un truc plus raffiné peut-être ? »
Je réfléchis et reprend avant qu'elle me répondre.
« Ah, désolé, j'ai pas les moyens pour de la gastronomie ... Tant pis, j'espère que t'aime ça, les sandwichs. »

Je lui sourit et remarque que je la tiens toujours. Je la lâche finalement, en espérant ne pas l'avoir gênée à la tenir comme ça et entame le pas en direction du petit restaurant au coin de la rue.

Je le laisse m'emmener après qu'il m'ai prit la main, après tout, je sens que, peu importe mon choix, il n'en aurait pas prit compte. Je pense qu'il n'a pas dû vraiment remarquer que le fait de tenir ma main me fait trembler. Je n'ai vraiment plus l'habitude d'être touchée par qui que ce soit depuis que je suis ici, depuis que je l'ai perdu...

Plongée dans mes songes, je n'ai pas entendu sa question, ce qui me laisse juste le temps de laisser échapper un petit "Mh?". Lorsqu'il prononce le mot sandwich, je comprends alors qu'il est un peu fauché et qu'il n'a pas dû comprendre que si j'avais jeté un sandwich à des paons, c'est que je n'ai pas une folle envie d'en manger.

Je me sens un peu mieux lorsqu'il me lâche la main. Je me sens un peu étrange après ce contact, passant rapidement ma main sur mon pantalon par réflexe. Il peux me laisser acheter quelque-chose si il est fauché, je ne suis pas non plus quelqu'un de pauvre. Mais bon, si jamais je lui propose de le faire je sens qu'il va refuser.

Je le suis donc, réussissant à suivre son rythme de marche, ce n'est pas bien compliqué en même temps. J'essaye de marcher à ses côtés, histoire de ne pas être à la traîne, marchant de façon assez droite.

" Tant qu'ils n'ont pas de fromage dans leurs sandwichs, fais ce qu'il te plaît. "

Arrivant devant le "restaurant", je préfère le laisser choisir en premier, mettant toujours une plombe à choisir ce que je pourrais manger.

Je le regarde rire un peu et me répondre. Je ne pense pas qu'il rigole pour se moquer de moi. Peut-être est-il un peu... Bêta? Au moins, il ne semble pas me vouloir de mal. Parfait.
Un silence s'installe et, cette fois, j'entends bien sa question, ainsi que le compliment qu'il me fait. Je me souviens que pas mal de personnes me le disent, mais aussi sincèrement, il y en a eu vraiment très peu. A part lui et des amis très proches que j'avais...
Enfin bref, ce n'est pas le moment de penser à cela. Un travail? Oh que oui, j'en ai un. Je laisse échapper un petit "mh" avant de lui répondre.

" Eh bien... Je suis secrétaire pour le gouvernement. Et merci pour mon prénom, Lukas. Le tien n'est pas mal non plus. "
Être gentille avec lui ne pourrait m'être que bénéfique, je suppose.
Mon ventre laisse échapper un léger gargouillement. Mince, j'ai pensé à de la nourriture. J'essaye de retenir ce gargouillement le plus possible sans vraiment trop y arriver. Merde, Maria, c'est si disgracieux, ce bruit! Pourvu qu'il n'en tienne pas compte, qu'il ne s'enfuit pas et qu'il déballe petit à petit son sac!
Je ne sais toujours pas de quelle catégorie de personnes il fait partie d'ailleurs...

Secrétaire pour le gouvernement... bah dis donc, on a pas les mêmes valeurs, elle est moi.
《 C'est la classe comme taff ! Moi, je ne pourrai pas être enfermé dans un bureau a longueur de journée... mais le zoo c'est pas pour moi non plus. Mais je pense enfin avoir assez pour me lancer dans LE projet ... 》
J'entends son ventre gargouiller. Je souris avant de laisser un rire s'echapper. Je m'arrête, me tourne vers elle le sourire aux lèvres, et attrape d'une main son visage, pour plaquer mon autre sur sa bouche.
《 Écoute moi ça. 》
Un court silence, suivi d'un gargouillis a en faire trembler la terre. Je la lâche et rigole comme un con avant de reprendre ma marche.

Je n'ai jamais vraiment réfléchi au fait de si mon travail était "classe" ou non. Je suis une secrétaire, et la majorité des Anti-Gouvernementaux se mettent à me détester dès qu'ils savent que je suis l'une des deux secrétaires, c'est tout. Je ne me considère pas comme un des "piliers" du gouvernement.
Enfin bref. "Le projet"? Je n'ai jamais entendu parler de quelque-chose comme cela. Était-ce un projet personnel ou quelque-chose de... Gros? Que le gouvernement ne connaîtrait pas? J'essaye alors d'obtenir des informations.

"Le pro..."

Mais, avant que je ne puisse continuer, il obstrue ma bouche de sa grande main de personnage digne d'un Yaoi. Ou peut-être est-ce moi qui ai un visage trop petit, mais là n'est pas la question. Je reste émotionnellement de marbre face à sa ... "blague". ... Impossible qu'il soit un pro-anti gouvernement ou quoi que ce soit comme ça. Il est un peu trop gamin, mais pas dérangeant. Quoi qu'il en soit, ce gargouillement fût quand même dégoûtant. Je dois faire quelque-chose pour rééquilibrer le quota de perfection dans ce qui vient de se passer et vite.

" ... Bon, ça suffit. "

Je le prends par la manche, faisant attention à ne pas le tenir par la main, marchant d'un seul coup beaucoup plus vite. Il a faim, il a pas de fric et j'ai besoin d'informations sur lui. Je décide alors de l'emmener, au lieu de le laisser aller dans une sandwicherie bon marché, dans un petit restaurant que je connaît très bien. Nous y arrivons rapidement, une sorte de petit salon de thé au style un peu ancien.
Quelle est ma raison pour l'avoir forcé à venir devant? Tout simplement parce-que ce petit salon de thé est parfait. On peut soit emporter notre repas, soit le déguster à l'intérieur de ce salon. Ils servent des sandwich, mais des bons sandwich, avec du bon pain, du bon jambon et de la bonne salade fraîchement cueillie, ils servent aussi des omelettes, de la quiche et d'autres repas, mais ça on s'en fiche. Car surtout, ils ont des cupcakes, et plein d'autres pâtisseries, mais les cupcakes sont le plus important. Ces petits démons sont juste la perfection incarnée dans un repas.
Et le mieux, c'est que, étant du gouvernement, j'avais des réductions allant jusqu'à 80% sur un repas complet.
Je me dirige donc vers la porte, le tenant toujours par la manche pour le forcer à rentrer. Il n'a sûrement jamais goûté aux délices de ce restaurant.

" Je t'invite. En punition pour ton gargouillement prononcé. "

Spoiler:

Je sens déjà que le restaurant lui plaît. Heureusement qu'il ne m'a pas forcée plus la main lorsque j'avais dépassé la sandwicherie, sinon j'aurais été forcée de m'arrêter. De toute façon, je suis bien trop déterminée à ce que l'on mange ici, tellement que, avant même qu'il ne me donne son avis sur ma décision, j'ai la main posée sur la poignée, prête à ouvrir la porte.

Seulement, à ses mots, je m'arrête, comme si mon corps venait de se bloquer totalement. Je t'aime, les mots à ne jamais me dire, les mots que je ne veux plus jamais entendre de la bouche d'un autre. Vallen était le seul à me dire ces mots, Vallen et moi étions seuls la dernière fois qu'il m'a dit ces mots, avant qu'il ne monte sur son scoot, avant qu'il ne...

Mon corps tremble beaucoup, ne pouvant pas crier afin d'extérioriser tout cela, je serre un bon coup les dents et racle ma gorge afin d'essayer de me débloquer. Je dois avoir l'air assez idiote comme ça, j'espère vraiment ne pas avoir le visage trop pâle. Il faut que je lui parle, même si cela doit être d'une voix encore plus tremblante que celle d'une chèvre.

" Je suppose, mais... S'il te plaît, pour me faire comprendre que tu m'apprécies, n'utilises pas ces mots-ci. "

Je rentre dans la boutique avec lui une fois prête, la vendeuse nous accueillant avec un large sourire. Encore une fois, de nombreux et délicieux produits sont proposés.

" Nous mangerons sur place aujourd'hui... "

Je regarde Lukas du coin de l’œil, je tenais à ce qu'il choisisse son repas avant moi, politesse oblige.

" Choisis en premier, tu es l'invité. "

Même si il semble avoir eu besoin de mener une intense réflexion pour choisir son plat, il s'est décidé plutôt vite. La vendeuse prends sa commande, me regardant avec un sourire en attendant la mienne. Je suis certes habituée à venir manger ici lorsque j'en ai le temps mais je change tout le temps de menu, simple question de bon sens. Elle n'a pas l'air surprise que je sois accompagnée de quelqu'un, tant mieux dans un sens.

Je réfléchis pendant quelques petites secondes. Il est vrai qu'il y a vraiment beaucoup de choix... Mais je réussis à me décider rapidement.

" Personnellement... Je vais prendre une omelette au curry avec le riz parfumé en accompagnement... "

Rien que le fait d'avoir du riz parfumé me remplit de joie. La sensation d'avoir des petites fleurs dans la bouche lorsque l'on avale ce riz... Mon ventre émets un petit bruit à cette idée. Ne t'inquiètes pas, mon petit. Tu seras bientôt rassasié.

Après avoir prit notre commande, nous allons nous asseoir. La commande du dessert viendra ensuite, si l'on a encore faim, et Dieu sait que j'aurais toujours de la place pour un cupcake. Profitant d'avoir enfin un moment où tous deux étions posés quelque-part, je décide d'essayer de l'interroger, ou, comme on dit, de m'intéresser à lui.

" Dis... Lukas... Je t'avais jamais vu avant... Tu viens d'où? "

A ce que j'ai compris, ce jeune homme est un natif. Ce doit être pour cela que je n'ai pas vraiment entendu parler de lui... Je ne me suis jamais intéressée de trop près au cas des natifs. Il est vrai que beaucoup de personnes se demandent quelle est leur origine, si ils ont des secrets, pourquoi naissent-ils ici, beaucoup de choses en somme, mais le gouvernement ne s'est jamais trop préoccupé de leur cas. Ce n'est pas la chose la plus intéressante pour nous, et pour moi non plus. Enfin bon, je suis plutôt rassurée qu'il soit un natif.

Peu de temps après sa question, la serveuse nous apporte deux cocktails offerts par la maison. D'un côté, je pense que c'est vraiment parce qu'ils savent que je fais partie du gouvernement qu'ils nous les offrent, mais bon. Ils peuvent être sûrs que je leur ferais de la publicité, c'est un juste retour des choses. Avant de répondre à leur question, je sirote le mien.

" Donc tu es un natif... Et, en effet, je suis morte sur Terre, et mon passage s'est mal passé. "

Mes cheveux... En effet, il est terriblement simple de constater que je suis une mutante. Je ne sais pas si je dois considérer cela comme une contrainte, la seule véritable est que je doive porter un cache-œil en public. Je reprends une gorgée, remarquant qu'ils nous ont servi des cocktails alcoolisés.

" Si tu n'aimes pas l'alcool, on peut leur demander de changer... "

Personnellement, j'aime bien l'alcool. J'aimais beaucoup en boire lorsque j'étais sur Terre. Surtout du rhum, une vraie boisson de pirates. Maintenant, je n'ai plus autant l'occasion d'en boire avec ce travail de secrétaire... Et ma mission à accomplir.

Le destin? Il essaye sans aucun doute de me faire relativiser les choses, je n'aime pas tellement cela. Si le destin voulait que je sois seule à croupir dans cet endroit, si il voulait faire quelque-chose de bien, ce destin m'aurait tué sans me faire passer par Anadran, j'aurais été bien plus en paix avec moi même. Je laisse comme seule émotion ressentie sur mon visage une légère moue, je préfère ne pas lui parler de ce genre de choses.

Il aime donc l'alcool? Un type à l'air aussi chétif que lui? Intéressant. Mais bon, je parie qu'il ne tient même pas 4 verres. Je bois une gorgée à mon tour, laissant la place à la serveuse pour poser le plat devant moi, la remerciant lorsqu'elle nous souhaite un bon appétit. Je pense leur laisser un pourboire à la fin.

" En effet... Je te souhaite un bon appétit. "

Je m'attaque alors à mon plat, ne mangeant ni trop lentement, ni trop rapidement, juste de la façon la plus parfaite que je le puisse, à petites bouchées, sans pour autant en faire trop. Il faut quand même que je réussisse à discuter avec lui, si je ne tisse aucun lien avec lui, je ne risque pas d'obtenir quoi que ce soit d'intéressant. Si ça se trouve, il connaît des résistants? Peut-être pourrait-il me donner des informations que j'ignore? Autant faire de mon mieux, c'est mon rôle, après tout.

" Et sinon... Tu as une copine? "

Evidemment, c'est la première question qui te vient à l'esprit, espèce de potiche.

Je m'arrête de manger pendant un instant pour le voir avaler son morceau. Eh bien, il doit vraiment être fauché pour manger ainsi, le pauvre. Je le regarde encore un peu, un air un peu rêveuse dans les yeux. C'est vrai quoi, ma vie précédente me manque beaucoup. J'aimerais bien avoir la possibilité de vivre à Anadran comme Lukas, d'une façon un peu désinvolte, sans trop me soucier de quoi que ce soit, à pouvoir arborer un sourire si naturellement...

Mais je ne peux pas. Au gouvernement, il faut être sérieux. Je recommence alors à manger une bouchée, toujours de la façon la plus propre possible.

Il n'a personne dans sa vie? Même moi, je trouve ça tout de même un peu étonnant. Il est plutôt mignon physiquement, et sa personnalité n'est pas si rebutante que cela. Peut-être est-ce que les personnes vivant à Anadran sont particulièrement exigeantes? Je ne sais pas vraiment, je n'ai jamais vraiment tenté de me renseigner concernant les goûts de la population en matière d'amour.

J'ai presque envie de lui exprimer à quel point je trouve ça injuste et intriguant, en essayant de comprendre si il n'avait pas un problème caché pour n'avoir personne, mais il me coupe avec sa question qu'il pose directement après sa réponse. Intéressée? Je ravale ma salive. Non, Maria, n'ai pas l'air encore une fois de quelqu'un qui vient d'avoir à nouveau des images de son passé dans sa tête, n'ai pas l'air de quelqu'un qui peut être choqué par n'importe quelle phrase prononcée sans avoir le but de te blesser...

Je laisse finalement échapper un léger rire, l'air amusée, le regardant dans les yeux avec un petit air de défi avant de lui donner ma réponse.
" J'aurais pu! Mais non. D'ailleurs, ta réponse m'étonne un peu... "
Peut-être va-t-il me révéler quelque-chose que je ne sais pas? Un secret des natifs qui les rendent répugnants? Peut-être, peut-être pas. Je reprends une bouchée en attendant qu'il continue la "discussion".